Les néonazis tissent leur Toile

Publié le par Le Blog du MRAP Fédération de Moselle


Un article d’Alexandre DUYCK paru le 08 juin 2008 dans Le Journal du Dimanche

 

  Il n'est ni tapi dans l'ombre ni camouflé derrière des codes secrets ou des mots de passe introuvables. Il est là, à peine caché, sur la Toile. Aussi incroyable que cela puisse paraître, un "parti national-socialiste français" existe. Pourtant interdit par la loi, ce mouvement tout à la gloire d'Adolf Hitler peut, sur Internet, laisser libre cours à sa haine maladive des juifs.


Que trouve-t-on sur le site du parti nazi, baptisé Phenix? Tout d'abord un portrait d'Hitler et une croix gammée en page d'accueil, un éditorial qui dénonce "la France enjuivée" et se termine ainsi: "Le combat continue! Heil Hitler!" Puis une documentation ahurissante, l'outillage idéal du parfait nazi et/ou révisionniste. Des rubriques surprenantes, telles "la coiffure du national-socialiste" ou la photo d'une jeune blonde posant nue, le bras droit tendu. Mais aussi des textes qui font froid dans le dos, interdits de parution en France, comme Le Protocole des sages de Sion ; des jeux vidéo où l'on tue des juifs ; des chants de la Waffen-SS ; des documents intitulés "Militer en milieu scolaire", "Directives pour la sélection d'une compagne ou d'un compagnon et la procréation", "Le massacre d'Oradour, un demi-siècle de mise en scène", etc...

Le délire de deux ou trois illuminés? Difficile à savoir. Le "parti nazi français", qui serait surtout présent en Alsace, sur la Côte d'Azur, dans le Nord et en Vendée, refuse tout contact avec la presse. En cherchant bien, on trouve un numéro de téléphone et une adresse à Malakoff (Hauts-de-Seine) qui datent de 2006. Impossible de connaître la fréquentation du site, aucun compteur n'apparaissant nulle part. A l'inverse, à chaque message laissé sur le forum de discussions correspond le nombre de consultations: le plus souvent, elles se comptent en centaines. Le message "Bannissement de membres" dépasse, lui, les 2000 lectures.

Les cibles sont toujours les mêmes: juifs, musulmans (de plus en plus), Noirs...


Les renseignements généraux, les policiers de l'Office Central de Lutte contre la Criminalité Liée aux Technologies de l'Information et de la Communication (OCLCLTIC) et la gendarmerie surveillent de près ce site, comme une quinzaine d'autres rédigés en langue française. Au sujet de Phenix, certains policiers se disent tout autant frappés par la violence des propos que par l'actualisation constante, le nombre de documents qu'il recense et l'abondance de photos "d'actes militants" (essentiellement des croix gammées taguées ou collées sur des lieux publics, affiches électorales ou panneaux de signalisation) mises en ligne.

Le MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples), qui a entrepris le recensement de tous les sites extrémistes de droite et prévoit la publication d'un rapport sur le sujet d'ici à la fin de l'année, se dit lui aussi impressionné par la quantité de documents que contient le site. "Il est difficilement imaginable qu'une petite poignée de personnes puisse collecter et mettre en ligne autant de fichiers", estime un responsable de l'association. Le MRAP note également que le site renvoie vers 291 sites d'extrême droite, eux-mêmes liés, chacun, à au moins dix autres.

La violence des propos est sidérante, l'obsession antisémite omniprésente. Plusieurs sites dressent une interminable liste de personnalités françaises juives ou supposées telles: hommes politiques, artistes, journalistes... "En termes de racisme, on a longtemps été dans le subliminal, même sur la Toile, souligne un spécialiste de l'Internet. Là, ce n'est plus du tout le cas." Les cibles sont toujours les mêmes: juifs, musulmans (de plus en plus), Noirs... "Caisse de résonance idéale pour les personnes à la marge, que ce soit sexuellement ou politiquement", comme le dit un policier, Internet ici sert de défouloir aux racistes et fait office de lieu de ralliement: des rendez-vous y sont discrètement donnés. "Avant, un nazi qui voulait se faire des amis rencontrait quelques difficultés. Aujourd'hui, en allant sur le Web, il peut se faire plein d'amis en quelques minutes", résume un militant associatif qui réclame l'anonymat - un de ses collègues, moins discret, a reçu des menaces de mort à son domicile.

10.06.2008



Publié dans Revue de Presse

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